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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rôle assez actif en 1848, dans rembarquement du roi Louis-Philippe. Il me donna toute autorisation de chasser dans les marais communaux, et j’en profitai dès le jour même.

Le soleil levant dardait sur la fenêtre de ma chambre, et, le rideau tiré, venait m’éveiller dans mon lit. J’ouvrais les yeux, j’allongeais la main sur mon crayon et je me mettais à travailler.

À dix heures, la mère Oseraie nous prévenait que nous étions servis ; à onze, je prenais mon fusil, et j’allais tuer trois ou quatre bécassines ; à deux, je me remettais au travail jusqu’à quatre ; à quatre, j’allais nager jusqu’à cinq, à cinq heures et demie, le dîner nous attendait ; de sept heures à neuf heures, nous allions nous promener sur la plage ; à neuf heures, le travail recommençait jusqu’à onze heures ou minuit.

Charles VII avançait de cent vers par jour.

Si perdu que fût Trouville, il y venait, cependant, quelques baigneurs normands, vendéens ou bretons.

Du nombre fut une charmante femme accompagnée de son mari et de son fils ; je ne me rappelle plus d’elle que son nom et son visage : c’était une physionnomie gracieuse et avenante, avec une légère teinte d’aristocratie ; on la nommait madame de la Garenne.

Dès le jour de son arrivée, et lorsqu’elle sut que j’habitais l’hôtel, elle aborda franchement la question de voisinage en m’envoyant son album. Je venais d’achever la grande scène du troisième acte entre le comte de Savoisy et Charles VII ; je la lui copiai toute chaude de mon acouchement.

Un excellent jeune homme était arrivé avec eux, cachant, sous l’air timide d’un gentilhomme campagnard, une certaine science et une profonde résolution. Il était chasseur ; cette similitude dans nos goûts nous fit rapidement compagnons, sinon amis.

C’était ce pauvre Bonnechose, qui fut tué pendant l’insurrection vendéenne de 1832.

Tandis que nous nous promenions, chassant dans les marais de Trouville, madame la duchesse de Berry obtenait du roi Charles X la permission de faire une tentative en France