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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

fessait, à cette époque, les doctrines libérales, comme il dut à la mort inopinée de son père de trouver devant lui, à la Chambre haute, une carrière tout ouverte.

Au reste, interrogé à la Chambre sur sa profession, M. de Montalembert avait répondu :

— Maître d’école.

Tous ces procès semblaient donner raison aux ennemis religieux de M. de Lamennais.

La rumeur partit d’en bas.

Du clergé inférieur, qui les condamnait, M. de Lamennais et les autres rédacteurs de l’Avenir en appelèrent aux évêques, qui les condamnèrent à leur tour. Alors, repoussés de retranchements en retranchements, comme les défenseurs d’une ville qui, après avoir vaillamment défendu les postes avancés, la première et la seconde enceinte, sont forcés de se réfugier dans la citadelle, les accusés furent forcés de tourner les yeux vers le Vatican, et de mettre leur espérance dans Rome.

Grand mât de ce vaisseau battu par la tempête, M. de Lamennais fut le premier que la foudre atteignit.

Le 8 septembre 1831, une voix courut par le monde, pareille à celle de l’ange qui, dans l’Apocalypse, annonce la chute des villes et des empires ; cette voix, vague comme un dernier râle d’agonie, comme un dernier soupir de mourant, se formula, le 16 septembre, dans ces paroles terribles : « La Pologne vient de succomber ! Varsovie est prise ! »

On sait comment cette nouvelle fut annoncée à la chambre des députés par le général Sébastiani.

— Des lettres que je reçois de Pologne, dit-il dans la séance du 16 septembre, m’annoncent que la tranquillité règne à Varsovie.

Il y eut une variante dans le Moniteur, qui déclara que c’était l’ordre, et non la tranquillité, qui régnait à Varsovie. Dans la situation, l’un des deux mots ne valait guère mieux que l’autre : tous deux étaient infâmes !

Il est curieux de retrouver aujourd’hui l’écho que cette grande chute éveilla dans l’âme des poëtes et des croyants,