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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’abbé, doit se battre le lendemain avec Rafaël, et il la supplie d’attendre au moins jusque-là ; mais il finit par céder aux prières, aux caresses, aux larmes de la Camargo, comme Oreste cède aux promesses, aux emportements, aux défis d’Hermione ; poussé par la main fiévreuse de la belle courtisane, il tue Rafaël comme Oreste tue Pyrrhus ; et, comme Oreste, il revient demander à la Camargo le salaire de son amour, le prix du sang. Comme Hermione, elle lui manque de parole. — Troisième calomnie.

La Camargo est à son clavecin ; l’abbé frappe à la porte.

Entrez !

(L’abbé entre et lui présente son poignard ; la Camargo le considère quelque temps, puis se lève.)


A-t-il souffert beaucoup ?

— Bon ! c’est l’affaire
D’un moment !


— Qu’a-t-il dit ?

— Il a dit que la terre
Tournait.


— Quoi ! rien de plus ?

— Ah ! qu’il donnait son bien
À son bouffon Pippo.


— Quoi ! rien de plus ?

— Non, rien.


— Il porte au petit doigt un diamant : de grâce,
Allez me le chercher !
— Je ne le puis.

— La place
Où vous l’avez laissé n’est pas si loin.
— Non, mais
Je ne le puis.
— Abbé, tout ce que je promets,
Je le tiens.
— Pas ce soir !…
— Pourquoi ?
— Mais…
— Misérable !
Tu ne l’as pas tué !


— Moi ? Que le ciel m’accable.