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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Témoin la Lisistrata d’Aristophane, dont nous allons dire deux mots à nos lecteurs, en ayant le soin, toutefois, de traduire en latin ce qui ne saurait s’écrire en français.

Le latin dans les mots brave l’honnêteté !

On voit que je cite Boileau, quand Boileau peut m’être utile. — Pauvre Boileau ! quelle honte pour lui d’être forcé de venir en aide à l’auteur d’Henri III et d’Antony !

Nous sommes à Athènes. — Les Athéniens sont en guerre avec les Lacédémoniens ; les femmes se plaignent de cette guerre interminable du Péloponèse, qui empêche les maris de rester près d’elles, et de remplir leurs devoirs conjugaux.

La plus ardente dans ses plaintes est Lisistrata, femme d’un des principaux citoyens d’Athènes ; aussi a-t-elle convoqué toutes les matrones non-seulement d’Athènes, mais encore de Lacédémone, d’Anagyre, de Corinthe. Elle vient leur proposer un pacte.

Laissons-la parler. Elle s’adresse à l’une des femmes convoquées par elle, et qui se rend au lieu de la réunion[1].

Lisistrata. — Salut, Lampito ! Lacédémonienne chérie, que tu es belle ! Ma douce amie, quel teint frais ! quel air de santé ! Tu étranglerais un taureau !
Lampito. — Par Castor et Polux, je le crois bien : je m’exerce au gymnase, et je me frappe du talon dans le derrière.

Cette danse à laquelle Lampito fait allusion avec une naïveté tout à l’honneur du dialecte dorien, dont elle se sert, s’appelle cibasis.

Continuons :

Lisistrata, lui prenant la gorge. — Que tu as une belle gorge !
Lampito. — Vous me tâtez comme une victime.

  1. Nous empruntons les citations suivantes à l’excellente traduction de M. Artaud. Si nous traduisions nous-même, d’abord la traduction serait mauvaise, puis on pourrait nous accuser d’avoir forcé le grec à dire ce qu’il ne dit pas.