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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cum legione septima, proximus mare Oceanum in Andibus hiemârat[1].

Jamais cette partie des Gaules ne fut entièrement soumise aux Romains ; les rois Pictes y défendirent toujours leur liberté. À peine Auguste est-il monté sur le trône, que le Bocage jette un nouveau cri de guerre. Agrippa y court ; il croit en avoir soumis les habitants, et revient à Rome. Nouvelle révolte. Messala lui succède, emmenant avec lui Tibulle, qui, en sa qualité de poëte, s’attribue une partie des honneurs de la campagne :

Non sine me est tibi partus honos : Tarbella Pyrene
Testis, et Oceani littora Santonici ;
Testis Arar, Rhodanusque celer, magnusque Garumna,
Carnuli et flavi, cœrula lympha, Liger !

Ce qui veut dire à peu près :

« Cet honneur, tu ne l’as point acquis sans moi : témoin Tarbelle la Pyrénéenne, et les rivages, de l’océan Santonique (de Saintonge) ; témoin aussi l’Arar (la Saône), et le Rhône rapide, et la grande Garonne, et la Loire, onde azurée du blond Carnute. »

Peut-être aussi Tibulle n’a-t-il suivi Messala qu’à la façon dont Boileau suivait Louis XIV ; quant à la Loire, si elle était azurée du temps d’Auguste, elle a singulièrement changé de couleur depuis !

Du reste, Tiffauges est un de ces points où viennent se joindre les souvenirs de César, d’Adrien, de Clovis et des Visigoths ; près du tombeau romain s’élève le berceau franc ; on voit clair dans son histoire de toute la longueur de vingt siècles.

Le château, dont nous visitâmes les ruines, semble une construction du xiie siècle continuée pendant le xiie, et achevée seulement à la fin du xiie. Le fameux Gilles de Laval, maréchal de Raiz, connu dans le pays sous le nom de Barbe-

  1. Commentaires de César, I. III, § 7.