Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CLXVII


Avis aux chasseurs parisiens. — Clisson. — Le château de M. Lemot. — Mon guide. — La colonne vendéenne. — La bataille de Torfou. — Deux noms omis. — Tiffauges. — Tibulle et la Loire. — Gilles de Laval. — Sa mort édifiante. — Moyen employé pour en graver le souvenir dans la mémoire des enfants.

Le lendemain de mon arrivée à la Jarrie, je revêtis mon costume de chasse, et, mon fusil sur l’épaule, ma carnassière sur le dos, je partis pour Clisson.

Deux heures après, j’y entrais, les cuisses déchirées par les ajoncs, les mains ensanglantées par les ronces, mais sans avoir tué une seule alouette.

Un avertissement, en passant, pour les Parisiens qui s’aviseraient de croire que la Vendée est encore un pays giboyeux, et qui feraient cent vingt lieues dans cette croyance : j’y ai chassé un mois, et je n’ai pas fait lever quinze perdrix ! En revanche, les vipères y foisonnent, et l’on en rencontre à chaque pas ; tout chasseur doit avoir en poche son flacon.

Je reviens à Clisson, que j’avais si grande hâte de voir, que, dès le lendemain de mon arrivée à la ferme, je quittais mes excellents hôtes pour le visiter.

Eh bien, Clisson, que l’on m’avait tant vanté, serait une fort jolie petite ville en Grèce ou en Italie ; mais en France, mais dans la Vendée, non : il y a quelque chose d’incompatible entre le ciel brumeux de l’Ouest et les toits plats de l’Orient, entre ces jolies fabriques italiennes et nos sales paysannes françaises. Le château de Clisson lui-même, grâce aux soins de M. Lemot, le célèbre statuaire, est tellement bien conservé, qu’on est tenté d’en vouloir à son propriétaire de ne pas avoir laissé ramper sur ses murailles une seule toile d’araignée ; on dirait d’un vieillard à son jour de barbe avec de fausses dents, de faux cheveux et du rouge. M. Lemot a dépensé des sommes énormes pour faire du pittoresque, il