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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le combat dura cinq heures.

Une fois les redoutes du camp emportées, une fois le camp forcé, d’Autichamp cria : « Ne tuez plus ! » mais il y avait dans les rangs des Vendéens des prêtres qui criaient : « Tuez toujours ! »

Trois cent quatre-vingt-seize hommes périrent massacrés ! Bourgeois, avec trois des siens (les derniers), se jeta à la nage.

Deux de ses hommes furent tués dans la rivière, à côté de lui ; lui et son compagnon furent blessés.

Mais, tout blessé qu’il était, Bourgeois s’élance sur la route d’Angers, et, à l’Image de Morus, rattrape le 6e bataillon de Paris, qui fuyait lui-même.

Il rallie les fuyards et les arrête.

En ce moment, le bataillon de Jemmapes sortait d’Angers ; Bourgeois se retrouve à la tête d’un bataillon et demi ; il revient sur ses pas, attaque les chouans à son tour, et les force de se retrancher dans le château et dans l’île.

— Pendant plus d’une lieue, me disait un témoin oculaire, on voyait, à la surface des flots de la Loire, de longs serpents rouges !

C’étaient des escouades entières que le cours du fleuve emportait vers l’Océan[1].

Je quittai, comme je l’ai dit, Meurs, après m’y être arrêté un jour.

Dans ce voyage de la Vendée, le même phénomène se reproduisit pour moi que dans le voyage de Soissons, c’est-à-dire qu’au fur et à mesure que je m’éloignais de Paris, il semblait que je m’avançasse vers le pôle nord. Aux environs de Paris, la vue de mon uniforme excitait l’enthousiasme ; à Blois, j’avais encore trouvé de l’admiration ; à Angers, on était descendu à la simple curiosité ; mais, à Meurs, à Beaulieu, à Beaumont, je tombais dans la froideur, et je sentais, pour peu que cela continuât, qu’il y aurait, comme m’en avait prévenu

  1. Je renvoie, pour de plus amples détails, au curieux ouvrage de M. Fr. Grille : la Vendée en 1793.