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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

non éraillées, qui partaient par la lumière, nous saluèrent à notre entrée. Chaque maison avait arboré son drapeau ; nous passâmes sous un dais tricolore ; le maire était avec toute sa famille sur un balcon ; la jeune mairesse, qui, dans son amour pour ses administrés, s’approchait, en les saluant, sur le bord de la terrasse, me parut avoir de fort belles jambes ; de sa figure, je n’en dirai rien ; la ligne verticale qu’elle occupait relativement à moi m’empêcha de la voir.

L’endroit que j’avais marqué comme mon centre d’opérations était une petite ferme appartenant à M. Villenave ; cette petite ferme, dont j’ai déjà parlé, était située entre Clisson et Torfou, et se nommait la Jarrie.

Madame Waldor habitait cette ferme, depuis trois ou quatre mois, avec sa mère et sa fille.

Mon intention était d’arriver à ce but en décrivant un grand cercle, et en passant par Chemillé, Chollet et Beaupréau.

De cette façon, lorsque j’atteindrais la Jarrie, j’aurais déjà une idée de l’esprit du pays, et je saurais comment opérer sur les individus et sur les masses.

Je voulais aller à petites journées, m’arrêter à mon caprice, partir aux heures qui me conviendraient, et séjourner quand cela me ferait plaisir.

Il n’y avait donc d’autre moyen de transport à adopter pour ma personne que d’acheter ou de louer un cheval ; quant à aller à pied, il n’y fallait pas songer avec mon uniforme de garde national à cheval. Cet uniforme et un second costume de chasse, c’était toute la garde-robe que j’avais jugé utile d’emporter.

À Meurs, je louai un cheval.

Je m’étais arrêté un jour à Meurs, pour visiter le champ de bataille des Ponts-de-Cé. Là, en 1438, les Angevins avaient battu les Anglais ; en 1620, le maréchal de Créquy avait défait les troupes de Marie de Médicis ; et, enfin, en 1793, les républicains avaient été battus par les Vendéens, — mais battus comme on bat les républicains.

C’est une belle défaite que celle du 26 juillet 1793, une de ces défaites pareilles à celle qui fit Léonidas immortel,