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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dre les conseils de ces braves jeunes gens dont l’héroïque insurrection avait fait la révolution de juillet. Il devait, toujours au dire de M. Thiers, les attendre, le soir, entre huit et neuf heures, au Palais-Royal.

Les républicains secouaient la tête.

Mettre le pied au Palais-Royal, c’était, leur semblait-il, pactiser avec le pouvoir nouveau, qui s’élevait à la fois contre leur conscience et contre leur volonté.

Mais Thomas vint encore en aide au négociateur.

— Voyons, dit-il en se levant, prouvons-leur jusqu’au bout que nous sommes de bons enfants.

Et, allant déposer son fusil dans l’angle de la cheminée :

— À ce soir, neuf heures, monsieur… Vous pouvez dire au lieutenant général du royaume que nous nous rendrons à son invitation.

M. Thiers sortit.

Il n’y avait pas la moindre invitation de la part du lieutenant général du royaume. M. le lieutenant général du royaume, n’avait pas le moins du monde désiré voir MM. Thomas, Bastide, Chevalon, Grouvelle, Boinvilliers, Cavaignac, Arago et Guinard. M. Thiers avait pris le tout sous son bonnet, espérant qu’une entrevue concilierait les opinions. On a vu, par ce qu’il avait dit a Thomas, qu’il prenait les opinions pour des ambitions.

Le soir, les républicains furent exacts au-rendez-vous. La duchesse d’Orléans, madame Adélaïde, les jeunes princes et les jeunes princesses venaient d’arriver, lorsqu’on annonça au duc d’Orléans qu’une députation l’attendait dans la grande salle.

Depuis le matin, les députations s’étaient succédé, et les salons n’avaient pas désempli.

Une députation n’étonnait donc pas le prince ; seulement, ce qui l’étonnait, c’était le personnel de la députation.

M. Thiers était là. En accompagnant Son Altesse, du salon où il était au salon où l’attendaient ces messieurs, il essaya de la mettre au courant, prenant la moitié de la responsabilité sur lui, laissant l’autre aux républicains.