— Allez-y donc, alors… Bien entendu que, si vous rencontrez le pain en route, vous reviendrez avec lui.
— Pardieu !
Et Charras courut aux écuries, sella son cheval, et partit au grand trot.
En arrivant à la hauteur de Trappes, il fut arrêté par un poste d’arrière-garde qui barrait la route.
— Qui vive ? cria la sentinelle.
— Ami :
— Ce n’est pas assez.
— Comment, ce n’est pas assez ?
— Non… Qui vive ?
— Charras, premier aide de camp du général Pajol, commandant en chef l’armée expéditionnaire de l’Ouest.
— Avancez à l’ordre.
La chose était tenue militairement, comme on voit.
— Qui commande ici ? demanda Charras.
— C’est le général Exelmans.
— Je lui en fais mon compliment… Conduisez-moi lui.
On satisfit à ce désir, qui n’avait rien d’exorbitant.
Le général était couché dans son manteau, à gauche de la route, sous un prunier.
Son fils était couché près de lui.
Charras exposa l’objet de sa mission.
— Savez-vous, reprit Exelmans, que nous crevons tous de faim, ici ?
— Général, ce n’est pas la faute du général Pajol : il a envoyé, avant onze heures du matin, le colonel Jacqueminot à Versailles, pour commander dix mille rations de pain.
— À qui ?
— Au préfet.
— Et ce b…-là ne les a pas envoyées ?
— Vous voyez bien que non, puisque je vais les chercher.
— Et vous m’assurez qu’elles ont été commandées ?
— Devant moi le colonel Jacqueminot est parti.
— Eh bien, monsieur, moi, le général Exelmans, je vous ordonne de faire fusiller le préfet.