— Bon ! il ne vous manquait plus que cela ! Vous avez risqué de vous faire fusiller, il y a trois jours, à Soissons, et voilà que vous allez vous faire casser quelque membre à Rambouillet !
— Mais ne savez-vous pas que Charles X marche sur Paris avec vingt mille hommes et cinquante pièces de canon ?
— Je sais qu’on le dit ; mais laissez les niais croire à de pareilles nouvelles… Pauvre Charles X ! je vous réponds que, s’il marche sur une ville quelconque, c’est sur le Havre ou sur Cherbourg.
— N’importe, mon cher ami ! Delanoue vient me chercher, et, quand ce ne serait qu’une occasion de faire une chasse à la grosse bête dans le parc de Rambouillet, je ne veux pas la manquer… Encore une fois, vous me parlerez de votre pièce à mon retour, si je reviens…
— Mets-moi donc de cette pièce-là, dit tout bas Delanoue.
— Sois tranquille, c’est dit.
Je me retournai vers Harel.
— Comment êtes-vous venu ? lui demandai-je.
— Mais en fiacre, donc.
— Bien ! nous prenons votre fiacre.
— Pour quoi faire ?
— Pour aller à Rambouillet.
— D’autant mieux, dit Delanoue, que c’est sur la place de l’Odéon qu’on se réunit.
— Ah ! vous nous prêterez votre drapeau tricolore, n’est-ce pas, Harel ?
— Vous me conduirez bien jusqu’à l’Odéon ?
— Soit.
— Quel drapeau tricolore ?
— Celui avec lequel on chante la Marseillaise depuis trois jours, à votre théâtre.
— Et moi, donc ?
— Vous ferez une annonce au public dans laquelle vous direz que c’est moi qui l’ai emporté à Rambouillet… Le public est bon enfant, il se passera de drapeau un jour ou deux.
— Venez et prenez le drapeau… Vous savez-bien que le théâtre tout entier est à vous.