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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de l’abbé Châtel leur convenait. Ils y trouveraient un grand avantage : c’est qu’au moins, ils comprendraient la liturgie, qu’ils n’avaient jamais comprise, le service divin, dans la religion de l’abbé Châtel, se faisant en français, au lieu de se faire en latin.

Les habitants de Lèves déclarèrent, d’une commune voix, que c’était, non pas à la religion elle-même qu’ils tenaient, mais au prêtre, et qu’ils seraient enchantés de comprendre ce qu’ils n’avaient jamais compris.

L’abbé Ledru partit pour Paris, afin de prendre une ou deux leçons du chef de l’Église française, et, suffisamment initié dans le nouveau culte, il revint à Lèves.

Son retour fut à la fois une fête et un triomphe ! Une magnifique grange située juste en face de l’ancienne église romaine, fermée moins encore par la colère de l’évêque que par le dédain des Lévois, fut mise à sa disposition et transformée en temple. Chacun, comme pour les reposoirs de la Fête-Dieu, y apporta son ornement : les uns, la nappe de la sainte table ; les autres, les chandeliers de l’autel ; celui-ci, le crucifix ; celui-là, le saint ciboire ; le charpentier ajusta des bancs ; le vitrier ferma les fenêtres ; la rivière fournit l’eau lustrale, et, pour le dimanche suivant, tout était prêt.

J’ai dit que nous étions au château de Levéville ; je ne connaissais pas l’abbé Châtel ; j’ignorais son culte ; je trouvai l’occasion belle de m’initier à mon tour à la doctrine du primat des Gaules. Je proposai à Barthélemy d’aller entendre la messe châtelloise ; il accepta ; nous partîmes.

C’était un peu plus ennuyeux qu’en latin, en ce qu’on était à peu près forcé d’écouter. Voilà la seule différence que nous trouvâmes entre les deux cultes.

On pense bien que nous n’étions pas les seuls, dans les environs de Chartres, qui eussent été prévenus de la séparation qui venait de s’opérer entre l’Église de Lèves et la sainte Église catholique, apostolique et romaine ; M. de Montals aussi était parfaitement renseigné : il avait espéré quelque scandale où mordre pendant la messe ; mais la messe s’était célébrée sans scandale, et le village de Lèves, qui avait écouté tout en-