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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

sortes de bruits, étaient accourus en masse, et proféraient des menaces terribles contre les pillards des trois journées, qui n’avaient pillé, c’est vrai, ni le 27, ni le 28, ni le 29, mais qui allaient piller le 30, si la lieutenance générale n’y avait pas mis bon ordre !…

Au reste, il est juste de dire que tous ces braves gens qui attendaient là, le fusil au pied, ne s’étaient dérangés de chez eux que dans l’attente d’une condamnation capitale.

Vers deux heures, on annonça que les plaidoiries étaient terminées, que les débats étaient clos, et que l’arrêt allait être prononcé. Alors, il se fit un grand silence, comme si chacun eût craint que sa voix n’empêchât d’entendre la grande voix qui, sans doute, pareille à celle de l’ange du jugement dernier, allait proclamer le jugement suprême de la haute cour.

Tout à coup, des hommes se précipitent de l’intérieur du Luxembourg, et s’élancent dans la rue de Tournon en criant :

— À mort !… condamnés à mort !

Une immense clameur leur répond, s’élevant de tous les rayons de cette étoile gigantesque dont le Luxembourg est le centre.

Puis chacun essaye de se faire jour pour aller porter, soit dans son quartier, soit dans sa maison, l’âcre primeur de cette terrible nouvelle.

Puis bientôt on s’arrête ; la multitude semble refoulée ; on remonte vers le Luxembourg, comme un courant qui rebrousse chemin. Un autre bruit vient de se répandre. Est-ce vrai ou non que les ministres, au lieu d’être condamnés à mort, sont condamnés seulement à la prison perpétuelle, et que cette fausse nouvelle de la peine de mort n’avait d’autre but que de favoriser leur fuite ?

Alors, les physionomies changent ; les cris de menace commencent à se faire entendre ; les gardes nationaux frappent de la crosse de leurs fusils le pavé de la rue. Venus pour défendre les pairs, ils paraissent tout prêts, à la nouvelle de l’acquittement, — tout ce qui n’est pas la mort est l’acquittement, — ils paraissent tout prêts à marcher contre les pairs.