Il accourut ; — la lettre de Dorval était pressante. Nous déjeûnâmes, et, après le déjeuner, je relus Antony.
— Eh bien, que dites-vous de cela, Bocage ? demanda Dorval quand j’eus prononcé ces derniers mots : « Elle me résistait : je l’ai assassinée ! »
— Ma foi, répondit Bocage, je dis que je ne sais pas trop ce que je viens d’entendre… Ce n’est ni une pièce, ni un drame, ni une tragédie, ni un roman ; c’est quelque chose qui tient de tout cela, fort saisissant, à coup sûr !… Seulement, est-ce que vous me voyez dans Antony, moi ?
— Vous serez superbe ! répondit Dorval.
— Et vous, Dumas ?
— Moi ; je vous connais trop peu ; mais Dorval vous connaît, et elle répond de vous.
— Bon !… Il va me falloir une mise particulière pour cela : je ne peux pas le jouer avec les redingotes et les habits de tout le monde.
— Oh ! soyez tranquille, répondis-je, à nous deux, nous trouverons bien un costume.
— Qu’y a-t-il à faire, maintenant ?
— Il y a à prévenir Crosnier que vous venez d’entendre un drame qui vous convient, à vous et à Dorval ; que ce drame est de moi, et que je suis prêt à signer avec lui le même traité qu’il a signé avec Hugo.
— Bon !
— Seulement, vous comprenez, Bocage ? pas de lecture officielle avant réception : la pièce reçue en tout cas ; puis lecture officieuse au directeur, après réception.
— Parbleu ! c’est entendu !… Est-ce que vous lisez, vous autres ? Vous apportez vos pièces, et on les joue, voilà tout. Les conditions ?
— Les mêmes qu’Hugo.
— Cela sera fait ce soir.
Je pris un cabriolet, et j’allai prévenir Hugo de ce qui venait de se passer.
Le soir même, je reçus un petit billet de Bocage ; il contenait ces deux lignes seulement :