— Comment cela ?
— Si nous remettions la lecture à ce soir ?
— Ce serait encore mieux.
— Si je m’en allais par où tu sais ?
— Oui, oui… À ce soir ! Veux-tu que je prévienne Bocage ?
— Non, je veux d’abord te lire cela, à toi.
— Comme tu voudras… Voyons, va-t’en ! va-t’en ! Oh ! qu’il est ennuyeux, ce de Vigny, d’arriver juste à ce moment-ci !
— Que veux-tu, ma pauvre amie ! nous ne sommes pas dans ce monde pour avoir toutes nos aises… À ce soir.
— À ce soir, oui.
Elle poussa vivement la porte de la chambre à coucher ; juste au même moment, la porte du salon s’ouvrait.
— Ah ! bonjour, mon cher comte, dit-elle ; venez donc vous asseoir près de moi… Je vous attendais avec impatience…
Pendant ce temps-là, Louise levait la portière de perse, et me faisait signe de la suivre.
Je lui mis un louis dans la main. Elle me regarda avec étonnement.
— Eh bien, quoi ? lui demandai-je.
— C’est donc comme si madame n’avait pas sonné.
— Exactement.
— Est-ce qu’on ne vous reverra pas ?
— Si fait, je reviens ce soir.
— Ah ! je comprends, alors.
— Eh bien, non, tu ne comprends pas.
— C’est possible, encore ; que voulez-vous ! depuis six mois, ici, c’est le monde renversé. Ah ! monsieur, vous que madame aime tant, que vous devriez bien lui dire qu’elle se perd !
Elle avait raison, pauvre Louise !…
Nous dirons plus tard comment elle avait raison.