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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

le chemin des chevaux pour les culbuter, et qu’à jeter leurs pantoufles à la tête des soldats pour les exterminer tous, depuis le premier jusqu’au dernier !

Non, le duc d’Aumale n’a pas été brave comme tout le monde : il a été brave comme personne ne l’eût été, même les plus braves.

Je raconterai en son lieu et place ce qu’il me dit lui-même à cette époque, la première fois que je le vis après son retour.

Et, maintenant, revenons aux replâtrages des murailles, dont nous avons été écartés par cette digression sur la mort du prince de Condé et sur la bravoure du duc d’Aumale ; j’écris, je le répète, avec mes sensations, et surtout avec mes convictions, et je proclame d’une voix aussi impartiale l’avarice et la ruse du père que le courage et la loyauté des enfants.

Au reste, la discussion qui s’était élevée pour savoir si les murailles de Paris resteraient mutilées ou non ; si elles porteraient, comme une empreinte immuable, la date des 27, 28 et 29 juillet, ou si cette date serait effacée sur les pierres, ainsi qu’on voulait l’effacer dans les cœurs ; cette discussion, disons-nous, avait, une portée bien autrement haute que les gratteurs de maisons et les recrépisseurs de monuments ne voulaient l’avouer.

Il s’agissait tout simplement de sauver les têtes des ministres de l’ex-roi, têtes vigoureusement menacées par la vindicte publique.

Quatre de ces ministres avaient été arrêtés. C’étaient, pour les nommer dans leur ordre d’arrestation, MM. de Peyronnet, de Guernon-Ranville, de Chantelauze et de Polignac.

Donnons quelques détails sur ces différentes arrestations ; ces détails, les journaux du jour les enregistrent, on s’en préoccupe dans le moment, on se les transmet, on les répète ; puis, peu à peu, on les oublie ; le fait reste, le fait brutal et bête ; puis arrive l’histoire, qui se borne à consigner ce fait dépouillé de tous ses détails, c’est-à-dire de tout son pittoresque.

Mais qu’importe à l’histoire ? N’est-elle pas le squelette des événements, et pas autre chose ?…