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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

C’était le premier nuage qui obscurcissait son soleil.

Dans ce premier nuage étaient toutes les tempêtes de l’avenir, même celle qui devait le renverser.

Maintenant que l’on a vu les hommes et les principes face à face, on comprendra mieux, je l’espère, les 5 et 6 juin, les 13 et 14 avril, le 12 mai et le 24 février.

Dix minutes après la retraite des républicains, on apportait au lieutenant général du royaume la démission des membres de la commission municipale.

Le duc d’Orléans, au bas de la démission de ces messieurs, trouva un ministère tout composé.

Voici ce ministère :

Dupont (de l’Eure), à la justice ; le baron Louis, aux finances ; le général Gérard, à la guerre ; Casimir Périer, à l’intérieur ; de Rigny, à la marine ; Bignon, aux affaires étrangères ; Guizot, à l’instruction publique.

Mais, avant même que cette liste fût arrivée au Palais-Royal, un des nouveaux ministres avait déjà donné sa démission : c’était Casimir Périer.

En jetant les yeux du côté de Versailles, il s’était aperçu que Charles X, qui venait de quitter Saint-Cloud, n’était pas encore à Rambouillet.

C’était bien hardi de se déclarer quand l’ancienne royauté était encore si près de la nouvelle.

L’ambition avait accepté, la crainte refusa.

M. Casimir Périer courut à Bonnelier, et le pria de rayer son nom de la liste.

Il était trop tard : la liste était partie. Bonnelier n’y pouvait rien. Il offrit un erratum au Moniteur, lequel fut accepté faute de mieux.

M. de Broglie prit sur la liste la place restée vacante par la démission de Casimir Périer.

N’était-ce pas curieux de voir des hommes qui devaient occuper de si hautes positions dans la royauté future, n’oser pas risquer leur nom, lorsque tant d’autres à qui rien ne devait revenir de ce grand changement y avaient risqué leur tête ?