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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cune agitation ne se manifestait, il me quitta en me donnant rendez-vous pour le lendemain.

J’allai au Palais-Royal ; je comptais y prendre langue ; mais pas moyen : le duc d’Orléans était à Neuilly ; le duc de Chartres était à Joigny, à la tête de son régiment ; M. de Broval était à Villiers ; — on n’avait point aperçu Oudard.

Je descendis au café du Roi. Les habitués principaux étaient, on se le rappelle, les rédacteurs de la Foudre, du Drapeau blanc et de la Quotidienne, tous journaux royalistes. On y applaudissait fort à la mesure prise.

Lassagne seul paraissait assez soucieux.

Je me mêlai peu à la conversation : tous ces hommes, Théaulon, Théodore Anne, Brisset, Rochefort, Merle, professaient une opinion opposée à la mienne, mais étaient mes amis.

J’ai horreur de me disputer avec mes amis ; j’aime mieux me battre contre eux.

Or, ma conviction était toujours la même, c’est-à-dire qu’avant vingt-quatre heures, on se tirerait des coups de fusil.

Pendant que j’étais au café du Roi, Étienne Arago y entra. Notre liaison, je l’ai dit, avait pris date du compte rendu qu’il avait fait de mon Ode au général Foy et de mes Nouvelles contemporaines dans la Lorgnette et dans le Figaro.

Ce jour-là, nous avions un autre motif pour nous rechercher, c’est que nos opinions étaient les mêmes.

Nous sortîmes ensemble ; — il était une heure et demie ; — à deux heures, son frère François devait prononcer un discours à l’Académie. Ayant un billet à sa disposition, Étienne me proposa de me faire entrer à la séance. Je n’avais jamais vu que l’extérieur de l’institut ; je pensai que de longtemps une aussi bonne occasion ne me serait donnée d’en voir l’intérieur, et j’acceptai.

À l’entrée du pont des Arts, nous rencontrâmes un avocat de nos amis, Mermilliod, je crois. À la première nouvelle des ordonnances, cinq ou six journalistes et autant de députés s’étaient rendus chez maître Dupin, pour savoir de l’illustre jurisconsulte s’il y avait moyen de publier les journaux sans