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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

quais la légitimité, le droit divin, la succession ! Il est incroyable la quantité de choses que j’attaquais par ce vers ! Un instant je crus avoir, sans m’en douter, écrit ma pièce dans cette belle langue turque dont Molière nous donne un échantillon dans le Bourgeois gentil-homme, et qui dit tant de choses en si peu de mots.

Il y avait encore l’envoi de cette couronne à Cromwel, qui était une chose bien dangereuse pour la monarchie ! J’avais beau dire que le fait était vrai ; que Christine avait, en réalité, envoyé cette couronne au protecteur, lequel l’avait fait fondre. Rappeler au genre humain, qui paraissait avoir oublié l’aventure, que cet envoi avait existé, semblait une chose subversive et incendiaire !

Il est vrai qu’à la manière dont M. Briffaut avait traité l’histoire dans Ninus II, il devait assez peu se préoccuper des questions historiques.

En somme, malgré mes conférences avec M. Briffaut, — conférences que son affabilité rendait, d’ailleurs, fort tolérables, — rien n’avançait, et, comme Harel était pressé, on me décida à faire une démarche vers le chef de la censure, M. de Lourdoueix.

On m’avait invité à me faire recommander à M. de Lourdoueix par une dame de ses amies qui avait tous les ans le prix de vertu ; je ne sais plus son nom ; seulement, on prétendait qu’il n’y avait que par cette anse-là qu’on pût le prendre ; mais j’étais, comme Raoul des Huguenots le fut depuis, plein de confiance en mon bon droit, et, sans recommandation aucune, je m’aventurai vers les terres australes où je devais découvrir M. de Lourdoueix.

Je ne sais pas si M. de Lourdoueix avait fait Ninus III ou Ninus IV, s’il était de l’Académie ou simplement du Caveau ; mais M. de Lourdoueix était loin d’être aussi affable que M. Briffaut.

Notre entrevue fut courte. Après une conversation de cinq minutes, aigrelette des deux parts :

— Enfin, monsieur, dit-il, tout ce que vous pourrez ajouter est inutile : tant que la branche aînée sera sur le trône, et