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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tandis que Charles X se trouvait dans les appartements, c’était grave !

Je vis le duc d’Orléans qui gesticulait vivement à une fenêtre, et, comme je commençais à me préoccuper bien plus de ce qui se passait dedans que de ce qui s’accomplissait dehors, je sentis qu’on me touchait doucement l’épaule.

Je me retournai. C’était M. le duc de Chartres, qui, après avoir inutilement essayé de distinguer quelque chose au milieu de ce désordre et de cette fumée, désirait savoir si j’avais été plus heureux que lui.

Je répondis négativement ; mais, en même temps, j’offris d’aller m’informer par moi-même de la cause et du résultat de ce tumulte.

Comme le duc de Chartres repoussait cette offre seulement de manière à me faire voir qu’il ne la repoussait que par discrétion, en cinq secondes je fus dans le vestibule, et en cinq autres secondes dans le jardin.

J’arrivai tout juste pour être témoin d’une lutte entre un jeune homme et un soldat, lutte dans laquelle le jeune homme allait avoir le dessous, quand, croyant le reconnaître, je m’élançai.

Vigoureux comme je le suis, j’eus bientôt séparé les deux adversaires.

Je ne m’étais pas trompé : le jeune homme, c’était Signol.

Le soldat était un caporal ou un sergent appartenant au 3e régiment de la garde.

Signol avait été assez maltraité dans la lutte ; aussi était-il furieux. Tout séparé qu’il était du soldat, il le menaçait encore.

— Ah ! misérable, lui disait-il en lui montrant le poing, je ne veux pas avoir affaire à toi… ; mais le premier officier de ton régiment que je rencontre, j’engage ici ma parole d’honneur que je lui enverrai un soufflet.

J’essayai de le calmer.

— Non, non, non, dit-il ; c’est promis, ce sera tenu, et vous serez mon témoin, vous… N’est-ce pas que vous serez mon témoin ?