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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il attaqua le ministère avec une violence qui n’est point dans ses habitudes.

« Polignac, la Bourdonnaye et Bourmont, s’écria-t-il, c’est-à-dire Coblence, Waterloo, 1815 ! Voilà les trois principes, voilà les trois personnages du ministère ! Pressez-les, tordez-les, et il n’en dégouttera qu’humiliations, malheurs et dangers ! ».

Charles X lut l’article.

— Ah ! dit-il, ces gens-là ne savent donc pas que, dans cette Charte qu’ils invoquent, il y a un article 14 que nous pouvons leur mettre sous la gorge ?

Et, en effet, le ministère Polignac n’avait été créé et mis au monde que pour pouvoir appliquer ce fameux article 14 que Louis XVIII avait caché dans la Charte comme un poignard de miséricorde, mais dont il n’avait jamais voulu se servir.

C’était dans cet article 14 que reposait toute l’espérance du roi et de M. de Polignac.

Aussi, lorsqu’on avait appelé M. de Peyronnet au ministère :

— Songez, lui avait dit M. de Polignac, que nous voulons appliquer l’article 14.

— C’est bien aussi mon intention ! avait dit M. de Peyronnet.

Tout allait donc pour le mieux, puisque tout le monde était d’avis d’appliquer à la France ce topique de l’article 14 ; seulement, restait à savoir si la France se le laisserait appliquer.

Au reste, on espérait, par deux éblouissants mirages, lui faire tourner la tête d’un autre côté ; et, tandis qu’elle serait tout attentive à ces deux grands événements, on lui passerait un bâillon entre les dents, on lui mettrait un bandeau sur les yeux.

Ces deux événements, c’étaient la conquête d’Alger et la restitution de nos frontières du Rhin.

De la conquête d’Alger, vous savez la cause : un jour, agacé par notre consul, le dey lui avait donné un coup d’éventail à travers le visage. Ce coup d’éventail avait été suivi de trois