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NOTES

choisir entre cette réclamation, évidemment tardive, et un récit contemporain qui a reçu une publicité officielle, qui se présente avec la garantie de cinq signatures, et qui n’a pas été contredit en temps utile.

» Voici le rapport de M. Alexandre Dumas :

Rapport à M. le général la Fayette sur l’enlèvement
des poudres de Soissons.

« Conformément à la mission dont vous m’avez fait l’honneur de me charger le 30 juillet dernier, je suis parti à l’instant même pour la remplir, accompagné de l’un des signataires du présent rapport. À trois heures, nous sortions de la barrière.

» Sur toute la route, on nous prévint que nous trouverions à Soissons résistance aux ordres du gouvernement provisoire, qui n’était pas encore reconnu dans cette ville. En arrivant à Villers-Cotterets, un jeune Soissonnais, signataire de ce rapport, nous offrit de nous faire accompagner de trois ou quatre jeunes gens qui seconderaient notre mouvement. À onze heures et demie du soir, nous étions à Soissons.

» À sept heures du matin, ignorant quelles seraient les dispositions de la ville, nous visitions les ruines de Saint-Jean, où nous savions qu’étaient renfermées les poudres, afin d’être prêts à nous en emparer de force, si on ne voulait pas reconnaître notre appel aux citoyens de Soissons. Le jeune homme qui s’était chargé de nous aider nous quitta alors pour aller rassembler les quelques personnes dont il était sûr, et, moi, je me rendis chez M. le docteur Missa, que l’on m’avait désigné comme un des plus chauds patriotes de la ville ; son avis fut que nous ne trouverions aucune aide auprès des autorités, et qu’il y aurait probablement résistance de la part du commandant de place, M. le comte de Liniers.

» Comme il était à craindre que les trois officiers logés à la poudrière ne fussent avertis de mon arrivée et de l’ordre dont j’étais porteur, je me rendis d’abord chez eux, accompagné de trois personnes que m’avait amenées M. Hutin (c’est le nom du jeune Soissonnais). En passant devant la poudrière, j’y laissai un factionnaire. Quelques minutes après, M. le lieutenant-colonel d’Orcourt, le capitaine Mollart et le sergent Ragon se rendaient prisonniers à ma première sommation, et promettaient sur parole de ne pas sortir, disant qu’ils étaient prêts à nous livrer les poudres sur un ordre du commandant de place. Les trois braves militaires, comme nous en fûmes convaincus par la suite, étaient, du reste, bien plus disposés à nous aider qu’à nous être con-