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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

deux ou trois amis, afin que nous soyons de chaque côté en nombre égal ?

— Eh bien, oui, je préfère cela, monsieur.

— Prenez garde, monsieur le vicomte, je vais sortir m’en rapportant à votre parole d’honneur ; je vais sortir lorsque je vous tiens, lorsque je puis vous brûler la cervelle à tous quatre… Je vous réponds que ce serait bientôt fait… Vous retrouverai-je où vous êtes et comme vous êtes ?

— Oh ! oui, monsieur ! s’écria madame de Liniers.

Je m’inclinai avec politesse ; mais, sans céder d’une ligne :

— C’est la parole d’honneur de votre mari que je demande, madame.

— Eh bien, monsieur, dit le lieutenant de roi, je vous, la donne.

— Je présume, repris-je, que cette parole engage ces messieurs en même temps que vous ?

Les officiers firent un signe de tête.

Je désarmai mes pistolets, et les remis dans mes poches.

Puis, m’adressant à madame de Liniers :

— Rassurez-vous, madame, lui dis-je, tout est fini. Dans cinq minutes, messieurs, je suis ici.

Et je sortis, prenant en passant mon fusil, que je retrouvai dans l’angle de la porte.

Je m’étais fort avancé ; je ne savais où aller chercher Hutin, et Bard gardait un poste important.

Le hasard me servit ; en mettant le pied dans la rue, je vis Hutin et l’un de ses amis qui, fidèles au rendez-vous, attendaient à dix pas de la maison : cet ami était un jeune homme de Soissons, chaud patriote, nommé Moreau.

Chacun d’eux avait un fusil à deux coups.

Je leur fis signe de venir et d’entrer dans la cour.

Ils vinrent et entrèrent, sans trop savoir de quoi il était question.

Je remontai. La parole était rigoureusement tenue : aucun de ces messieurs n’avait quitté sa place.

J’allai à la fenêtre, et je l’ouvris.

— Messieurs, dis-je à Hutin et à Moreau, ayez la bonté de