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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

amorces tenaient ; je le mis en bandoulière, et, en m’aidant des pieds et des mains, je parvins rapidement à la crête du mur.

Les deux militaires avaient changé d’attitude : ils étaient appuyés sur leur bêche, et regardaient avec un étonnement marqué le sommet de la tour, où flottait triomphalement le drapeau tricolore.

Je sautai dans l’enceinte de la poudrière.

Au bruit que je fis en touchant la terre, les deux militaires se retournèrent à la fois.

La seconde apparition leur semblait évidemment plus extraordinaire encore que la première.

J’avais eu le temps de passer mon fusil dans ma main gauche, et d’armer mes deux coups.

Je m’avançai vers eux ; ils me regardaient venir, immobiles d’étonnement.

Je m’arrêtai à dix pas d’eux.

— Messieurs, leur dis-je, je vous demande pardon de la façon dont je m’introduis chez vous ; mais, comme vous ne me connaissez pas, vous auriez pu me refuser la porte, ce qui aurait occasionné toute sorte de retards, et je suis pressé.

— Mais, monsieur, demanda le capitaine Mollard, qui êtes-vous ?

— Je suis M. Alexandre Dumas, fils du général Alexandre Dumas, que vous avez dû connaître de nom, si vous avez servi sous la République ; et je viens, au nom du général Gérard, demander aux autorités militaires de la ville de Soissons toute la poudre qui peut se trouver dans la ville. Voici mon ordre : qu’un de vous deux, messieurs, vienne en prendre connaissance.

Et, mon fusil dans la main gauche, je tendis la main droite du côté de ces messieurs.

Le capitaine s’approcha de moi, prit l’ordre et le lut. 

Pendant qu’il lisait, le sergent Ragon fit quelques pas vers la maison.

— Pardon, monsieur, lui dis-je, comme j’ignore dans quel