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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ce vent changea les dispositions de Thiers, qui, au lieu de faire son article, se leva et courut chez Laffitte.

À mon retour de Soissons, nous verrons ce qu’il fit.


CLIV


Hue, Polignac ! — André Marchais. — Le maître de poste du Bourget. — J’arbore les trois couleurs sur ma voiture. — Bard me rejoint. — M. Cunin-Gridaine. — Le père Levasseur. — Lutte avec lui. — Je lui brûle la cervelle ! — Deux anciennes connaissances. — La terreur de Jean-Louis. — Halte à Villers-Cotterets. — Hutin. — Souper chez Paillet.

En arrivant à la Villette, je ne pouvais plus mettre une jambe devant l’autre.

Par bonheur, j’avisai un cabriolet.

— Cocher, lui dis-je, dix francs pour me conduire au Bourget !

— Quinze ?

— Dix !

— Quinze !

— Va te promener !

— Allons, montez, notre bourgeois…

Je montai et nous partîmes.

Le cheval était mauvais marcheur, mais le cocher était bon patriote. Quand il sut combien j’étais pressé de partir, et dans quel but je partais :

— Oh ! dit-il, ce n’est pas étonnant que mon cheval ne veuille pas trotter, alors : je l’ai baptisé Polignac, parce que c’est un fainéant dont on ne peut rien faire… Mais soyez tranquille, nous arriverons tout de même.

Et, prenant son fouet par la pointe, il se mit à frapper avec le manche, au lieu de cingler avec la lanière, en hurlant :

— Allons ! hue, Polignac !

À force de hurlements, de jurons, de coups de fouet, nous arrivâmes en une heure au Bourget.