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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, me dit-il, vous n’êtes pas encore couché ?

— Non, général, je pars.

— Pour quel endroit ?

— Pour Soissons.

— Sans ordre ?

— J’ai un ordre du général Gérard.

— Gérard vous a donné un ordre ?

— Avec enthousiasme, général.

— Oh ! oh ! je voudrais bien voir cet ordre-là.

— Le voici.

Il le lut.

— « Ministre de la guerre ? » dit-il après avoir lu.

— Il a cru que cela pourrait me servir.

— Alors, il a bien fait.

— Et vous, général, ne me donnerez-vous rien ?

— Que voulez-vous que je vous donne ?

— Une invitation aux autorités civiles de seconder le mouvement révolutionnaire que je vais tâcher d’imprimer à la ville… Vous comprenez bien que je n’espère réussir qu’à l’aide d’une surprise populaire.

— Volontiers… Il ne sera pas dit que, lorsque vous risquez votre vie dans une pareille entreprise, je ne risquerai rien, moi.

Il prit une plume, et, cette fois, tout entière écrite de sa main et de sa fine écriture, il rédigea l’espèce de proclamation suivante :

Aux citoyens de la ville de Soissons.
« Citoyens,

» Vous savez ce qui s’est passé à Paris pendant les trois immortelles journées qui viennent de s’écouler ? Les Bourbons sont chassés ; le Louvre est pris ; le peuple est maître de la capitale.
« Mais les vainqueurs des trois jours peuvent se voir arracher par le manque de munitions la victoire qu’ils ont si