Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ordre émané de la cour pour l’enlever à la nation, qui peut trouver en lui un gage puissant de la sécurité future.
» On propose de se rendre chez lui au nom des autorités constituées, convenablement accompagnées, et de lui offrir la couronne. S’il oppose des scrupules de famille ou de délicatesse, on lui dira que son séjour à Paris importe à la tranquillité de la capitale de la France, et qu’on est obligé de le mettre en lieu de sûreté. On peut compter sur l’infaillibilité de cette mesure ; on peut être certain, en outre, que le duc d’Orléans ne tardera pas à s’associer pleinement aux vœux de la nation. »

La note originale était de la main d’Oudard.

Chose étrange ! Tandis que le père préparait ainsi sa royauté, le fils courait danger de mort.

Voici ce qui arrivait :

Bohain et Nestor Roqueplan attendaient Étienne Arago à déjeuner chez Gobillard, place de la Bourse. En se rendant du National au café, Arago rencontra le domestique de Bohain qui cherchait son maître.

— Ah ! monsieur, dit le brave garçon en apercevant Étienne, savez-vous où est monsieur ?

— Il doit être chez Gobillard, répondit Étienne ; que lui veux-tu ?

— Je veux le prévenir, de la part de M. Lhuillier, son beau-frère, que le duc de Chartres est arrêté à Montrouge.

— Qui l’a fait arrêter ?

— Mais M. Lhuillier… Il est maire du village. Il désire savoir ce qu’il doit faire du prince.

— Hein ? dit un homme assis sur le trottoir avec un fusil entre les jambes, et mangeant un morceau de pain ; ce qu’il doit en faire ? Nous allons aller le lui dire !…

— Puis, se levant :

— Hé ! les amis ! cria-t-il tout haut, le duc de Chartres est arrêté à Montrouge. Que ceux qui veulent manger du prince viennent avec moi !