Aller trouver M. Laffitte, un simple homme de finances, pouah ! Passe encore pour la Fayette ; c’était un révolutionnaire, mais un révolutionnaire de bonne maison qui, dans sa jeunesse, avait porté de la poudre, des talons rouges et baisé, à l’Œil-de-bœuf, la main de la reine.
À la vérité, c’était dans une terrible matinée qu’il avait joui de ce dernier honneur, c’était dans la matinée du 6 octobre !
M. Laffitte n’était qu’un prolétaire de mérite grandi par ses œuvres, noble par son caractère ; on ne pouvait pas négocier les intérêts du descendant de saint Louis avec un pareil croquant !
MM. de Vitrolles et d’Argout ne furent pas aussi fiers que M. de Sémonville.
Casimir Périer leur donna un laissez-passer, afin que, sans être inquiétés, ils pussent se rendre chez Laffitte.
M. d’Argout, qui n’était qu’impopulaire, continua de s’appeler M. d’Argout ; mais M. de Vitrolles, qui était exécré, s’appela M. Arnoult.
À la porte, le courage manqua à M. de Vitrolles : il poussa M. d’Argout dans le salon, et resta dans une espèce de vestibule.
M. Laffitte attendait Oudard, parti depuis cinq heures ; Oudard ne revenait pas.
Au bruit de la porte qui s’ouvrait, il leva les yeux.
Ce n’était pas encore Oudard, mais c’était M. d’Argout.
M. d’Argout entra — que cela fût réel ou affecté — avec l’aplomb d’un homme qui croit apporter une nouvelle conciliant tous les intérêts.
— Eh bien, cher collègue, dit-il, je viens vous annoncer deux excellentes choses.
— Bah ! répondit Laffitte avec cette bonhomie moqueuse qui lui était particulière, et qu’il semblait avoir empruntée, ainsi qu’une partie de son esprit, à son ami Béranger, — et lesquelles ?
— Les ordonnances sont retirées, dit M. d’Argout.
— Ah ! fit indifféremment Laffitte.