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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

commission municipale, que la Fayette ne fût point là ; mais M. de Schonen et Audry de Puyraveau, les plus compromis et les plus ardents des membres de cette commission municipale, l’envoyèrent chercher.

On annonça le ministère Mortemart et Gérard.

— Mais, messieurs, dit Mauguin, deux ministres ne font pas un ministère.

— Le roi, dit M. de Sémonville, leur adjoindrait volontiers M. Casimir Périer.

Et il se tourna avec un sourire gracieux vers le banquier, qui pâlit horriblement.

En ce moment même, Casimir Périer reçut une lettre, et la lut.

Tous les yeux étaient fixés sur lui. Il fit un signe de tête qui contenait à peu de chose près un refus.

Il y eut un moment de silence et d’hésitation ; c’était à qui ne répondrait pas, car on sentait l’importance de la réponse.

Alors, au milieu de ce silence, M. de Schonen se leva et fit, d’une voix ferme, entendre ces terribles paroles :

— Il est trop tard !… Le trône de Charles X s’est écroulé dans le sang !…

Dix-huit ans après, ces mêmes paroles, répétées à la tribune par M. de Lamartine, et adressées à leur tour aux envoyés du roi Louis-Philippe, devaient précipiter du trône la branche cadette, comme elles en avaient précipité la branche aînée.

Les négociateurs voulurent insister.

— Allons ! allons ! dit Audry de Puyraveau, assez comme cela, messieurs, ou je fais monter le peuple, et nous verrons ce qu’il veut !

Les députés se retirèrent ; mais, sortant par une autre porte, M. Casimir Périer les joignit dans les escaliers.

— Allez trouver M. Laffitte, leur dit-il en passant ; il y a peut-être quelque chose à faire de ce côté-là.

Et il disparut.

Voulait-il rattacher les négociations au duc d’Orléans, ou voulait-il ne pas se détacher entièrement du roi Charles X ?

M. de Sémonville secoua la tête, et se retira.