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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

la Fayette aperçut Étienne Arago avec une cocarde tricolore.

— Monsieur Poque, dit-il en s’adressant à l’une des personnes qui l’accompagnaient, allez donc prier ce jeune homme d’ôter sa cocarde.

Arago s’approcha de la Fayette.

— Pardon, général, dit-il, mais je n’ai pas bien compris.

— Mon jeune ami, je vous fais prier d’ôter cette cocarde.

— Et pourquoi cela, général ?

— Parce que c’est un peu tôt… Plus tard, plus tard, nous verrons.

— Général, répondit Étienne, je porte depuis hier le ruban tricolore à la boutonnière de mon habit, et la cocarde tricolore à mon chapeau depuis ce matin… Ils y sont, ils y resteront !

— Mauvaise tête ! murmura le général.

Et il continua son chemin.

On lui avait proposé un cheval du manège Pellier, mais il avait refusé. Il en résulta qu’il fut près d’une heure et demie à aller de la rue d’Artois à l’hôtel de ville.

Il arriva vers les trois heures et demie.

Disons l’histoire de l’hôtel de ville depuis huit heures du matin, qu’il avait été définitivement pris par le peuple, jusqu’à trois heures et demie du soir, moment auquel le général la Fayette l’occupa.

Vers sept heures du matin, on s’était aperçu que l’hôtel avait été évacué par la troupe.

La nouvelle en avait été immédiatement portée au National.

Il fallait en prendre possession : Baude et Étienne Arago partirent.

À neuf heures, ils étaient installés.

À partir de ce moment, et, tout imaginaire qu’il était, le gouvernement provisoire fonctionna.

C’est qu’un homme s’était trouvé qui ne reculait pas devant cette responsabilité terrible qui faisait reculer tant de monde.

Cet homme, c’était Baude.