Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

gousée. Signez-moi cela vite, et veuillez me dire où je trouverai vos députés réunis à Paris.

— Chez M. Laffitte, avait dit M. Dupin.

Et, sans trop de difficultés, il avait signé l’autorisation.

Les députés étaient, en effet, réunis chez Laffitte. — Plus heureux que moi, grâce sans doute au papier dont il était porteur, Degousée avait pu arriver jusqu’à la salle des délibérations.

Les députés prirent connaissance des trois lignes précitées, et, voyant la signature de M. Dupin, signèrent à leur tour ; mais ils n’eurent pas plus tôt signé, que la terreur les prit ; Degousée, qui ne perdait de temps à rien, et qui, d’ailleurs, tenait à se trouver à l’assaut du Louvre, était déjà à la porte de la rue. Un député le rejoignit au moment où il franchissait le seuil.

— Monsieur, lui dit-il, me permettez-vous de relire encore ce papier ?

— Certainement, répond Degousée sans méfiance.

Le député se relire à l’écart, déchire les signatures, et rend le papier tout plié à Degousée, qui le reprend, et qui ne s’aperçoit qu’à la porte du général Pajol de la soustraction opérée par l’adroit prestidigitateur.

Vous rappelez-vous la fable de la Fontaine le Lièvre et les Grenouilles ? Le bonhomme a tout prévu, même cette chose que l’on croyait impossible, à savoir que M. Dupin trouverait plus poltron que lui !

Voilà l’anecdote qui circulait dans les groupes.

Hâtons-nous de dire que la Fayette n’était pas encore arrivé chez Laffitte à l’heure où le fait que nous venons de raconter s’accomplissait.

Il y arrivait juste au moment où un homme du peuple, le fusil à la main et le visage noir de poudre, accourait y annoncer la prise du Louvre.

Derrière la Fayette, un sergent du 53e de ligne avait si bien fait des pieds et des mains, qu’il avait pénétré dans le salon ; là, il avait déclaré que le 53e de ligne était prêt à fraterniser avec le peuple. Les officiers demandaient seulement qu’on leur