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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CXLVIII


Attaque de l’hôtel de ville. — Déroute. — Je me réfugie chez M. Lethière. — Les nouvelles. — Mon propriétaire commence à devenir libéral. — Le général la Fayette. — Taschereau. — Béranger. — La liste du gouvernement provisoire. — Honnête erreur du Constitutionnel.

Nous suivîmes ponctuellement la ligne indiquée. Un quart d’heure après notre départ du quai de l’Horloge, nous débouchâmes par la petite ruelle de Glatigny.

Nous arrivions au bon moment : on allait, par le pont suspendu, faire une charge décisive sur l’hôtel de ville. Seulement, si nous-voulions en être, il fallait nous presser.

Nos deux tambours battirent la charge, et nous nous avançâmes au pas de course.

De loin, nous voyions une centaine d’hommes — qui composaient à peu près toute l’armée de l’insurrection — s’engager hardiment sur le pont, un drapeau tricolore en tête, quand tout à coup une pièce de canon, braquée de manière à enfiler le pont dans toute sa longueur, fit feu.

Le canon était bourré à mitraille. L’effet de la décharge fut terrible. Le drapeau disparut ; huit où dix hommes s’abattirent ; douze ou quinze prirent la fuite.

Mais, aux cris de ceux qui étaient restés fermes sur le pont, les fuyards se rallièrent. Du point ou nous étions, et abrités par le parapet, nous tirâmes sur la place de Grève et sur les canonniers, dont deux tombèrent.

Ils furent remplacés à l’instant même ; et, avec une rapidité dont il est impossible de se rendre compte, la pièce fut rechargée, et fit feu une seconde fois.

Il y eut sur le pont un tourbillonnement effroyable ; beaucoup des assaillants devaient avoir été tués ou blessés, si l’on en jugeait par les vides.

Un de nous cria :

— Au pont ! au pont !