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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Charras avait grande envie d’enfoncer la porte ; il en fit même la proposition ; mais, sur les observations de ses camarades, il se contenta de charger le concierge d’imprécations.

La manière dont on avait été reçu chez Laffitte n’engageait pas à tenter les autres visites projetées ; on convint qu’on se présenterait, le lendemain, chez la Fayette et chez Casimir Périer, mais que, pour le moment, on rentrerait rue des Fossés-du-Temple.

On regagna donc l’hôtel Fresnoy ; on s’établit comme on put, les uns sur des matelas, les autres sur des chaises, les autres par terre.

Le lendemain, au point du jour, on se rendit chez un professeur de mathématiques, préparateur aux examens de l’École, nommé Martelet.

M. Martelet demeurait au no 16 de la rue des Fossés-du-Temple.

Il s’agissait de se procurer des habits bourgeois ; — le pavé du roi n’était pas sûr, en plein jour, pour des jeunes gens portant l’uniforme de l’École.

Les cinq amis trouvèrent chez M. Martelet tout ce qu’ils pouvaient désirer.

Puis, comme ils craignaient qu’en se présentant de trop bonne heure chez la Fayette, il ne leur arrivât ce qui leur était arrivé en se présentant trop tard, chez Laffitte, ils se mirent, pour passer le temps, à faire une barricade.

Un perruquier était occupé, dans la maison située en face de celle de M. Martelet, à friser et à poudrer une perruque : il fut invité par les jeunes gens à se joindre à eux ; mais, soit que les opinions politiques du perruquier s’opposassent à ce qu’il fit des barricades, soit qu’amoureux de son art, il trouvât son temps mieux employé à poudrer et à friser des perruques, il refusa.

Le hasard voulut que la barricade fût faite et la perruque accommodée juste en même temps.

Comme il n’y avait personne pour garder la barricade, on prit, chez le perruquier, une tête à perruque avec son pied ;