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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Dans la pièce que vient de recevoir la Comédie-Française, ouvrage d’un écrivain qui a, nous assure-t-on, beaucoup de mérite, on voit des personnages honteusement liés au sujet (la cour d’Henri III) dont la nouvelle apparition sur la scène offre peut-être une preuve du talent de l’auteur, mais présente, à coup sûr, une inconvenance qu’il est impossible de tolérer. L’histoire a consacré les noms de ces misérables héros, de ces infâmes copartageants d’une débauche aussi crapuleuse qu’inexplicable ; nous pouvons donc risquer de les appeler par leur nom, et signaler à la réprobation du pouvoir, ces rôles de mignons sur le scandale desquels on pourrait compter pour remuer la multitude…

» Si les renseignements qu’on nous donne à ce sujet sont exacts, l’autorité, qui honore le théâtre de sa tutelle, ne souffrira pas une innovation de cette nature, parce qu’elle sait que son premier devoir est de n’autoriser que des ouvrages à la représentation desquels une fille, un fils puissent être innocemment satisfaits, quand ils demandent à leurs parents : « Qu’est-ce que cela veut dire ? »

Je m’y attendais, et ma résolution était prise d’avance. À peine eus-je lu le paragraphe cité ci-dessus, que je me munis d’une canne solide, et que je reparus dans les bureaux pour dire à de la Ponce la phrase sacramentale :

— De la Ponce, prenez votre manteau et votre chapeau.

J’allai trouver cet homme avec d’autant plus de satisfaction que cet homme avait ses jours où il était brave : si un duel pouvait lui être utile, il se battait.

Je me nommai. — Il m’attendait, me dit-il en entendant mon nom ; mais, sans doute, ne m’attendait-il pas dans les dispositions où je me présentais chez lui.

Étais-je bien ou mal tombé ? Je n’en sais rien, mais le folliculaire n’était pas dans son jour de courage ; il battit la campagne, nous parla de son influence au ministère, essaya de nous montrer les cadeaux du dernier jour de l’an, et finit, en somme, par nous offrir son influence près de M. de Martignac, qui était son ami, et qui lui devait de l’argent.