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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Saint-Mégrin, jeune gentilhomme bourdelois, beau, riche et de bonne part, l’un des mignons fraisez du Roy, sortant à onze heures du soir du Louvre, où le Roy étoit, en la même rue du Louvre, vers la rue Saint-Honoré, fut chargé de coups de pistolet, d’épée et de coutelas, par vingt ou trente hommes inconnus qui le laissèrent sur le pavé pour mort ; comme aussi mourut-il le jour ensuivant, et fut merveilles comme il put en vivre étant atteint de trente-quatre ou trente-cinq coups mortels : le Roy fit porter son corps mort au logis de Boisy près la Bastille, où étoit mort Quélus, son compagnon, et enterrer à Saint-Paul avec semblable pompe et solennité qu’avoient été auparavant inhumez, en ladite église, Quélus et Maugiron, ses compagnons. De cet assassinat, n’en fut fait aucune instance, Sa Majesté étant bien avertie que le duc de Guise l’avoit fait faire pour le bruit qu’avoit ce mignon d’entretenir sa femme, et que celui qui avoit fait ce coup portoit la barbe et la contenance du duc du Maine, son frère. Les nouvelles venues au roi de Navarre, dit : « Je sçai bon gré au duc de Guise, mon cousin, de n’avoir pu souffrir qu’un mignon de couchette, comme Saint-Mégrin, le fît cocu ; c’est ainsi » qu’il faudroit accoutrer tous les autres petits galands de cour qui se mêlent d’approcher les princesses pour les mugueter et leur faire l’amour… »

Plus loin, à propos de la mort de Bussy d’Amboise, les Mémoires de l’Estoile contiennent ce qui suit :

« Le mercredi 19 (août), Busy d’Amboise, premier gentilhomme de M. le duc, gouverneur d’Anjou, abbé de Bourgueil, qui faisoit tant le grand et le hautain à cause de la faveur de son maître, et qui tant avoit fait de maux et pilleries ès païs d’Anjou et du Maine, fut tué par le seigneur de Monsoreau ensemble avec lui le lieutenant criminel de Saumur, en une maison dudit seigneur de Monsoreau, où, la nuit, ledit lieutenant, qui étoit son messager d’amour, l’avoit conduit pour coucher, cette nuit-là, avec la femme dudit Monsoreau, à laquelle Busy dès longtemps faisoit l’amour, et auquel ladite dame avoit donné exprès cette fausse assignation pour le faire surprendre par Monsoreau, son mari ; à laquelle comparoissant