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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

leurs rayons à n’y pas introduire un couteau à papier. Il allait d’une face à l’autre, tournait, virait, se plaignait, levait au ciel ses grands bras désespérés, et, enfin, se décidait à poser le livre sur le canapé, sur un des fauteuils ou sur une des chaises, en disant avec un soupir :

— On lui trouvera une place.

Cette place, on ne la trouvait pas, et le livre restait sur le canapé, sur le fauteuil ou sur la chaise où il avait été déposé, nouvel obstacle à ce que s’assît le visiteur.

Je savais si bien quel était le dérangement qu’on occasionnait à M. Villenave, que je n’étais jamais retourné à ce fameux second, lorsque, refaisant Christine à neuf, j’eus l’idée de consulter un autographe de la fille de Gustave-Adolphe ; je voulais me rendre compté par la forme de l’écriture, de certaines bizarreries de caractère, — chose possible, à ce que je crois. — Je résolus donc d’aller troubler M. Villenave dans ces régions intellectuelles d’où il planait au-dessus de l’humanité.

C’était vers cinq heures de l’après-midi, au mois de mars 1829.

Je sonnai à la porte, la porte s’ouvrit ; je demandai M. Villenave, et je passai.

J’avais fait quelques pas vers la maison, lorsque Françoise me rappela.

— Monsieur ! dit-elle, monsieur !

— Qu’y a-t-il, Françoise ?

— Monsieur va-t-il chez M. Villenave ?

— Oui, Françoise.

— C’est que je croyais que monsieur allait chez ces dames, comme d’habitude.

— Vous vous trompiez, Françoise.

— Alors, monsieur serait bien bon d’épargner deux étages a mes pauvres jambes, et de donner à M. Villenave cette lettre que l’on vient d’apporter pour lui.

Françoise me donna la lettre, je la pris, et je montai.

Arrivé a la porte ; je frappai, mais on ne me répondit pas.

Je frappai un peu plus fort.