— Ah ! je crois bien ! c’est que c’était un gaillard, Piron !… Je l’ai vu, moi, chez madame de Montesson… Vous ne l’avez pas connue, vous, madame de Montesson ?
— Si fait, monsieur ; mon père m’a conduit chez elle, lorsque j’étais tout enfant.
— Une femme charmante, monsieur, une femme charmante, qui recevait la meilleure société de Paris.
— Maintenant, monsieur, lui demandai-je, si vous voulez avoir la bonté de me donner du travail ?
— Quel travail ?
— Dame ! du travail.
— Mais il n’y en a plus !
— Comment, il n’y en a plus ?
— Sans doute, puisque vous avez tout expédié.
— Eh bien, mais que vais-je faire ?
— Ce que vous voudrez, monsieur.
— Comment, ce que je voudrai ?
— Oui… À mesure que la besogne viendra, je la mettrai sur votre bureau, et vous la tiendrez au courant.
— Mais, alors, dans mes moments perdus ?…
— Jeune homme, jeune homme ! à votre âge, il faut perdre le moins de moments possibles.
— C’est aussi mon avis, monsieur, et vous en eussiez été convaincu, si vous m’aviez laissé finir…
— Ah ! ah !
— Je voulais vous demander si, dans mes moments perdus, je pouvais travailler à ma tragédie ?
Remarquez que je disais tragédie au lieu de drame ; je tenais à ne pas épouvanter M. Bichet.
— Vous faites donc une tragédie ? me dit-il.
— Hum !… je ne sais pas si je dois vous l’avouer.
— Pourquoi pas ?… Je n’y vois point de mal. J’ai mon vieil ami Pieyre qui a fait une comédie.
— Oui, monsieur, et même assez remarquable : l’École des Pères.
— Vous la connaissez ?
— Je l’ai lue.