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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

un cri de colère ni de désespoir ! c’est ce qui portait au comble la rage de ces furieux ; il ne disait que ces mots :

» — Mes amis, achevez-moi, et vive la République ! ne me faites pas languir, mes amis ; vive la nation ! » 

» Il confessa sa foi jusqu’au bout, et on ne lui imposa silence qu’en l’écrasant à coups de crosse de fusil  »

Que dites-vous de cela, messieurs les royalistes ? Le 2 et le 3 septembre n’ont rien de mieux à vous offrir, n’est-ce pas ?… Attendez ! ce n’est pas tout, et, ce que nous en dirons, comprenez-vous bien ? ce n’est point pour raviver les haines ; non, c’est pour faire haïr les guerres civiles. Si j’emprunte encore une fois la voix de Michelet, c’est, non-seulement parce qu’elle est plus éloquente que la mienne, mais encore pour que nous soyons deux à crier malheur.

Écoutez, et vous allez voir comme c’est exact, ce qu’il dit là :

« Une différence essentielle que nous avons signalée entre la violence révolutionnaire et celle de ces fanatiques animés des fureurs des prêtres, c’est que la première, en tuant, ne voulait rien autre chose qu’être quitte de l’ennemi ; l’autre, fidèle à l’esprit de férocité des temps de l’inquisition, voulait moins tuer que faire souffrir, faire expier, tirer de l’homme, pauvre créature finie, d’infinies douleurs, de quoi venger Dieu !

» Lisez les doucereuses idylles des écrivains royalistes, vous serez tenté de croire que les insurgés ont été des saints ; qu’à la longue, seulement, forcés par les barbaries des républicains, ils ont exercé des vengeances et tiré des représailles. Qu’ils nous disent quelles représailles on avait à exercer sur les gens de Pontivy, lorsque, au 12 ou 13 mars, les paysans, conduits par un curé réfractaire, martyrisèrent, sur la place, dix-sept gardes nationaux ! Étaient-ce des représailles que l’on exerçait à Machecoul, pendant six semaines, sous l’autorité régulière du comité royaliste ? Un receveur des gabelles, Souchou, qui le présidait, remplit et vida quatre fois les prisons de cette ville. — La foule avait, on l’a vu, tué par jeu d’abord, dans sa brutalité joyeuse. Souchu mit ordre à cela :