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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

prendre un fiacre pour aller de la place du Palais-Royal à la rue des Vieux-Augustins.

L’invitation transmise par Delanoue avait été faite avec tant de grâce et d’insistance, que je n’en acceptai pas moins.

J’allai tout courant à mon bureau ; je reçus mon courrier, et je revins.

Pendant la demi-heure qu’avait duré mon absence, la séance avait pris fin, et je retrouvai M. Villenave dans un petit salon attenant à la grande salle, où il recevait les compliments de ses familiers.

Delanoue me présenta à M. Villenave et à sa famille.

La famille Villenave se composait :

De madame Villenave, petite vieille fort gracieuse, fort spirituelle et fort instruite dans le monde, mais fort grognon dans l’intimité, souffrante qu’elle était, comme Anne d’Autriche, d’un cancer dont elle est morte ;

De Théodore Villenave, grand et vigoureux garçon, auteur, à cette époque, de différentes poésies fugitives, et traducteur d’un Wallenstein, qui devait faire, pendant trois ou quatre ans, grand bruit dans les coulisses du théâtre de l’Odéon, avant de paraître sur la scène, où il obtint un succès d’estime ;

De madame Mélanie Waldor, femme d’un capitaine d’infanterie au service et en garnison, lequel ne faisait que de courtes et rares apparitions à Paris, où ceux qui le connaissaient parlaient de lui comme d’un brave et loyal militaire ; madame Mélanie Waldor, ainsi que son frère, composait des poésies fugitives, qu’elle publiait dans les journaux du temps ; comme son frère, elle a fait, depuis, une pièce qui a été représentée avec succès sous le titre de l’École des Jeunes Filles ;

Enfin d’Élisa Waldor, qui n’était, à cette époque, qu’une charmante petite tête de chérubin avec de beaux cheveux dorés et bouclés, et qui, depuis, est devenue une grande belle femme deux fois mariée, et, je l’espère, deux fois heureuse[1].

  1. Hélas ! depuis l’époque où ces lignes ont été écrites, la mort est intervenue au milieu de la vie et du bonheur de la pauvre enfant, et,