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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Reçu par acclamation, ma mère ! reçu par acclamation ! m’écriai-je.

Et je me mis à danser autour de l’appartement, où il n’y avait pas beaucoup d’espace pour danser.

Ma mère crut que j’étais devenu fou. Je ne lui avais pas dit que je dusse lire, de peur d’un échec.

— Et que va dire M. Fossier ? s’écria ma pauvre mère.

— Ah ! ma foi, répondis-je sur l’air de Malbrouck, M. Fossier dira ce qu’il voudra, et, s’il n’est pas content, je l’enverrai promener !

— Prends garde, mon pauvre ami, dit ma mère en secouant la tête, c’est toi qu’il enverra promener, et il faudra bien que tu y ailles.

— Eh bien, maman, tant mieux ! cela me fera du temps pour mes répétitions.

— Et si ta pièce tombe, et que ta place soit perdue, que deviendrons-nous ?

— Je ferai une autre pièce qui réussira.

— Et, en attendant, il faudra vivre.

— Diable ! c’est bien malheureux qu’il faille vivre ; heureusement que, dans sept ou huit jours, nous avons les gratifications.

— Oui ; mais, en attendant les gratifications, que tu ne tiens pas encore, crois-moi, mon ami, retourne à ton bureau, afin qu’on ne se doute de rien, et ne te vante à personne de ce qui est arrivé.

— Je crois que tu as raison, ma mère ; et, quoique j’aie demandé congé à M. Deviolaine pour toute la journée, je vais aller à mon bureau. Il est deux heures et demie. Bah ! j’aurai encore le temps d’expédier la besogne de la journée.

Et je me remis à courir du côté de la rue Saint-Honoré. Au reste, cela me faisait grand bien ; j’avais besoin d’air et de mouvement, j’étouffais dans notre petit appartement.

Je trouvai une pile de rapports qui m’attendaient ; je me mis à la besogne : à six heures, tout était expédié.

Seulement, la colère de Féresse contre moi avait, monté jus-