Hugo sourit, lui montra la réception d’Harel, que primait la réception convenue du Théâtre-Français.
Crosnier sourit à son tour de ce sourire fin qui lui est particulier ; puis, prenant une plume :
— Monsieur Hugo, dit-il, permettez que j’inscrive ma réception au-dessous de celle de mon confrère.
— Inscrivez ce qu’il vous plaira, monsieur, dit Hugo ; mais je vous ferai observer qu’il y a deux réceptions qui priment la vôtre.
— Peu importe, monsieur, je désire prendre rang. Eh ! mon Dieu, qui sait ? malgré ces deux réceptions, il se peut que ce soit moi qui joue l’ouvrage.
Et il écrivit au-dessous de la réception d’Harel : « Reçue au théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 16 juillet 1829. »
Ce fut étayée d’avance sur cette double réception que Marion Delorme se présenta au Théâtre-Français, et y fut reçue par acclamation et à l’unanimité.
Je me rappelle qu’en sortant, enthousiasmé de cette lecture à laquelle nous avions assisté tous, Émile Deschamps, montrant l’affiche du soir, haussa les épaules, et s’écria avec compassion, à la vue du chef-d’œuvre de Racine :
— Et ils vont jouer Britannicus !…
Personne de nous aujourd’hui, pas même Émile Deschamps, n’avouerait avoir dit ce mot.
Et, moi, je déclare que nous l’eussions tous dit en 1829, et que plus d’un qui a fait, depuis, ses visites aux trente-neuf académiciens, le lui envia dans le moment.
La pièce fut distribuée et mise à l’étude immédiatement après la réception. Mademoiselle Mars jouait Marion ; Firmin, Didier ; Joanny, Nangis ; Menjaud, Saverny, etc.
Mais, un matin, cette nouvelle terrible se répandit, que la pièce était arrêtée par la censure !
Même chose était arrivée à Henri III. La censure arrête toujours, c’est son état, quitte à lâcher ensuite, si elle a affaire à une œuvre qui se défende ou à un auteur qui crie.
J’avais crié, et Henri III était sorti sain et sauf de ses