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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CXXVII


Départ pour l’Espagne. — Voyage de Paris à Bayonne. — Le trésor. — Ordre de marche du convoi. — M. du Saillant. — M. de Cotadilla. — Irun. — Ernani. — Salinas. — Le bataillon d’écloppés. — Les rations de vivres de madame Hugo. — Les quarante grenadiers hollandais. — Mondragon, — Le précipice. — Burgos. — Celadas. — Alerte. — La revue de la reine.

Partir pour Madrid, c’était là une grande affaire ; on va en juger tout à l’heure.

D’abord, il y avait la France à traverser de Paris à Bayonne.

Cela n’était rien : une question de temps, voilà tout. Il y a un siècle, on mettait cinq semaines, et, il y a quarante ans, neuf jours à faire un trajet qu’on a fait ensuite en cinquante heures, et qu’on fait aujourd’hui en quinze ou dix-huit. On couchait à Blois, à Angoulême et à Bordeaux.

Puis il y avait l’Espagne à traverser, de Bayonne à Madrid.

Quand nous en serons là, nous verrons quelle affaire peu commode c’était que de traverser l’Espagne de Bayonne à Madrid, en l’an de grâce 1811, du règne de Napoléon le septième.

Afin de traverser la France, madame Hugo loua pour elle, ses enfants, son domestique et sa femme de chambre, la diligence tout entière.

Les diligences, à cette époque, portaient, comme toute l’époque, la livrée de l’empereur : c’étaient de grandes voitures peintes en vert, avec des intérieurs à six, et des cabriolets de cuir à trois places ; au total, neuf places.

Toute la charge des bagages pesait derrière et dessus.

Six personnes seulement devaient occuper la vaste maison, qui se mit en route à l’heure accoutumée, et roula pesamment vers la frontière.

À Poitiers, deux voyageurs se présentèrent pour monter dans la voiture : l’un français, l’autre espagnol. On leur dit qu’elle était louée entièrement par une dame française : ils