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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À l’île d’Elbe, les souvenirs de l’enfant ne sont point encore éveillés, et rien de ce premier séjour parmi les hommes, rien de cette première halte au seuil de l’existence n’est resté présent à son esprit.

En 1806, le plénipotentiaire Joseph est nommé roi de Naples ; alors, il se rappelle son ami le chef de bataillon de Lunéville ; il s’informe de ce qu’il est devenu, apprend qu’il habite l’île d’Elbe, et que, de chef de bataillon, il a été fait lieutenant-colonel ou plutôt gros major, comme on disait encore en 1806.

Il lui écrit pour lui proposer de s’attacher à sa fortune, et de venir l’aider à fonder son trône dans la belle cité qu’il faut voir avant de mourir, quitte à mourir quand on l’a vue.

Mais on ne faisait pas de ces sortes d’escapades militaires sans permission du maître. Le lieutenant-colonel Hugo demanda à l’empereur Napoléon la permission de suivre le roi Joseph.

L’empereur Napoléon daigna répondre que, non-seulement il autorisait ce changement de service, mais encore qu’il voyait avec plaisir l’élément français se mêler aux armées de ses frères, qui n’étaient que les ailes de sa propre armée.

C’est toujours avec un certain regret qu’un Français prend du service dans une armée étrangère, cette armée fût-elle destinée à être une des ailes de l’armée nationale. Aussi, pour adoucir autant qu’il était en lui cet exil, le nouveau roi fit-il le gros major Hugo colonel, lui donna-t-il la charge d’aide de camp, et le nomma-t-il gouverneur de la province d’Avellino.

Une fois installé dans son gouvernement, le mari songea à se rapprocher de sa femme, le père à embrasser ses enfants.

En 1807, madame Hugo et ses trois fils se mirent en route pour Naples.

Ainsi se continuait cette vie de pérégrinations qui avait pris l’enfant à son berceau, et qui, à travers son adolescence, devait le conduire jusqu’à la virilité.

C’est à ces longs voyages, accomplis par lui pendant le cré-