Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Aussi sûre que si son nom était écrit là.

Et elle montrait son front.

— Comment est-il ? Voyons, détaillez-le.

— Il est de taille moyenne, un peu gros ; il est châtain ; il a les yeux bleus, et ses cheveux sont coupés comme ceux des anges de mademoiselle Marie Dumas.

— Tenez, il passe devant vous, remarquez-vous dans sa démarche quelque chose de particulier ?

— Il boite.

— Mais, voyons, de Grenoble, où va-t-il ?

— À Lyon.

— Et, à Lyon, ne s’oppose-t-on pas a ce qu’il entre ?

— On avait l’intention de s’y opposer d’abord, mais je vois beaucoup d’ouvriers qui vont au-devant de lui, et qui l’amènent.

— Et il n’y aura pas quelques coups de fusil tirés ?

— Oh ! si, monsieur, il y en aura plusieurs, mais sans faire de grands dommages.

— Où ces coups de fusil seront-ils tirés ?

— Sur la route de Paris à Lyon.

— Par quel faubourg rentrera-t-il dans Paris ?

— Par le faubourg Saint-Martin.

— Mais, mon enfant, à quoi servira qu’Henri V devienne roi de France, puisqu’il n’a pas d’enfants… — j’ajoutai en hésitant : — et qu’on dit qu’il ne peut pas en avoir ?

— Oh ! ce n’est pas lui qui ne peut pas en avoir, monsieur, c’est sa femme.

— Cela reviendra au même, chère petite. Marie, puisque le divorce n’est pas autorisé.

— Oh ! oui, mais il y a une chose que Dieu seul et moi savons à cette heure.

— Laquelle ?

— C’est que sa femme mourra d’une maladie de poitrine.

— Et qui épousera-t-il ? Quelque princesse de Russie ou d’Allemagne, sans doute ?

— Non, il dira : « Je suis rentré par la volonté du peuple français, je veux épouser une fille du peuple. »