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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


Et la fortune enchanteresse
Ne l’entraînait pas sur les flots ;
L’espoir de la douce paresse
Ne berçait pas ses matelots.
Dédaigneux des biens des deux mondes,
Il ne fatiguait pas les ondes
Pour aller ravir, tour à tour,
L’or que voit germer le Potose,
L’émeraude à Golconde éclose,
Et les perles de Visapour.

C’est une plus noble espérance
Qui soutient ses travaux divers.
Sa parole, au nom de la France,
Court interroger l’univers.
Il faut que l’univers réponde !
Dans son immensité féconde,
Peut-être cherche-t-il encor
Quelque désert âpre et sauvage,
Quelque délicieux rivage,
Que garde un autre Adamastor.

Il le trouverai ! Mais silence !
Du canon le bruit a roulé ;
Au haut du mât, qui se balance,
Un pavillon s’est déroulé.
Comme un coursier dans la carrière
Traîne un nuage de poussière
Que double sa rapidité,
Le vaisseau s’élance avec grâce,
À sa suite laissant pour trace
Un large sillon argenté.

Bientôt ses mâtures puissantes
Ne sont plus qu’un léger roseau ;
Ses voiles flottent, blanchissantes,
Comme les ailes d’un oiseau.
Puis, sur la mouvante surface,
C’est un nuage qui s’efface,
Un point que devinent les yeux,
Qui s’éloigne, s’éloigne encore,