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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

public et contre moi. Il n’y a pas jusqu’à Broval, Deviolaine et Oudard qui ne soient enchantés.

Je m’inclinai.

— Mais savez-vous qu’avec tout cela, continua-t-il en riant, vous avez failli me faire une très-mauvaise affaire, à moi ?

— À vous, monseigneur ?

— Oui, à moi.

— Comment cela ?

— Le roi m’a envoyé chercher hier.

— Le roi ?

— Oui, bien.

— Et à quel propos, monseigneur ?

— Mais à propos de votre drame.

— À propos d’Henri III ?

— Savez-vous ce qu’on m’assure, mon cousin, m’a-t-il dit en appuyant sur le titre ; on m’assure qu’il y a dans vos bureaux un jeune homme qui a fait une pièce où nous jouons un rôle tous les deux, moi celui d’Henri III, et vous celui du duc de Guise. »

— Monseigneur pouvait répondre que le roi se trompait, et que ce jeune homme n’était plus dans ses bureaux.

— Non, j’ai mieux aimé répondre autre chose pour ne pas mentir, car je vous garde.

— Alors, Votre Altesse a répondu ?…

— J’ai répondu : « Sire, on vous a trompé, pour trois raisons : la première, c’est que je ne bats pas ma femme ; la seconde, c’est que madame la duchesse d’Orléans ne me fait pas cocu ; la troisième, c’est que Votre Majesté n’a pas de plus fidèle sujet que moi. » Trouvez-vous que cette réponse vaille celle que vous me conseilliez de faire ?

— Oui, monseigneur, car elle est infiniment plus spirituelle.

— Et plus vraie-, monsieur… Ah ! voici la toile qui se lève : allez à vos affaires ; la mienne est de vous écouter.

Je saluai.

— À propos, me dit le duc, madame la duchesse d’Orléans désire vous voir, demain matin, pour vous demander des nouvelles de votre mère.