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pair d’Angleterre, et allait devenir le premier poëte de son époque !

Il est vrai que c’était son premier chant du Jeune Harold qui allait lui révéler cette dernière qualité.

Il vendit son poëme deux cents livres sterling.

Deux mois après le retour du poëte, sa mère mourut ; — c’était en 1811, en Écosse ; — elle mourut subitement.

« Un jour, dit lord Byron, j’appris qu’elle était malade ; le lendemain, j’appris qu’elle était morte. »

Ce ne fut pas tout. Presque dans le même temps, MM. Wingfield et Mathews, ses deux meilleurs amis, moururent aussi.

« Il y a, écrit lord Byron à M. Davies, une fatalité qui pèse sur moi. Ma mère est morte ; mes deux amis sont morts !… Que puis-je dire ou faire ?… Viens à moi ; je suis désolé, et seul au monde ! »

La trace de cette douleur se retrouve à la fin du dernier chant du Jeune Harold.

Cruelle Mort ! dit le poëte, tu m’as ravi tout ce que tu pouvais me ravir : une mère, des amis, et, enfin, celle qu’un sentiment plus doux que l’amitié unissait à mon sort… Dis, à quel homme tes traits furent-ils plus funestes ? Chaque jour, de nouvelles infortunes ont empoisonné, les unes après les autres, les sources de mon bonheur…

Quel est le plus sombre des malheurs qui affligent la vieillesse ? quel est celui qui creuse la plus profonde ride sur un front soucieux ? N’est-ce pas de voir tout ce que l’on a aimé en ce monde rayé du livre de la vie ? n’est-ce pas de demeurer seul et isolé sur la terre comme je le suis déjà ? Je fléchis le genou devant le Seigneur, dont le bras a pesé sur moi, a brisé tous les liens de mon existence, et détruit toutes les espérances de mon cœur. Écoulez-vous donc rapidement, jours inutiles, vous n’avez plus de chagrins à m’apporter, puisque le temps a privé mon âme de tout ce qui faisait la joie de mon âme, et a répandu sur mes jeunes années toutes les douleurs de la vieillesse !

Ce dut être un grand triomphe pour Byron que l’immense