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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tait bien ce qu’il y avait de douleur réelle cachée sous cette froideur apparente.

— Assez, pour me faire pleurer ? Oh ! non !

Et Byron remit son mouchoir dans sa poche.

Lorsque lady Byron eut annoncé à son fils, par une si cruelle raillerie, le mariage de cette Marie adorée, lorsque Byron, en apparence insensible à cette nouvelle, eut, en souriant, remis dans sa poche le mouchoir qu’aucune larme n’avait mouillé, il rentra dans sa chambre, le pauvre jeune homme au cœur saignant, et, le portrait de l’infidèle à la main, le poëte essaya de consoler l’amant, en l’invitant, en l’excitant à se plaindre.

De là les stances, douloureux gémissement d’une âme brisée, adressées par lui à mistress Muster.

Hélas ! miss Chaworlh, devenue mistress Muster, ne devait pas être plus heureuse en mariage que celui qu’elle avait abandonné.

Au mois d’août 1805, elle avait épousé John Muster, écuyer ; elle vécut tristement jusqu’en 1832 ; et, en 1832, elle mourut tristement comme elle avait vécu.

Une bande d’insurgés de Nottingham vint brûler Colwick-Hall, qu’habitait mistress Muster. D’une santé chancelante déjà, elle se réfugia avec sa fille dans une pépinière où le froid la surprit.

À la suite de ce refroidissement, elle tomba malade, et mourut, on pourrait dire de la même maladie dont était mort Byron, huit ans auparavant.

Ce fut à la suite de sa rupture avec miss Chaworth que Byron parut exclusivement occupé de femmes, de chevaux, de jeu, de chiens, de natation, d’escrime et de tir au pistolet.

Cependant, au milieu de ces exercices et de ces débauches, il avait trouvé moyen d’écrire un livre intitulé Heures de loisir.

Il venait de publier ce livre, lorsque lady Morgan, que je devais connaître à mon tour, trente ans après, le rencontra pour la première fois dans le monde.

Voici ce qu’elle en dit :