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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Qu’est-ce que c’est que cela, Byron ?

Ah ! cette question me fit peine et plaisir à la fois : j’avais donc trouvé un homme encore plus ignorant que moi, et cet homme était un sous-chef de bureau.

Si c’eût été un simple expéditionnaire, je ne m’en fusse pas consolé.

Quant à moi, cette mort inattendue d’un des plus grands poëtes de l’époque m’avait profondément frappé ; je sentais instinctivement qu’il y avait dans Byron plus qu’un poëte, qu’il y avait un de ces apôtres dont la bouche inspirée jette, dans le silence des nuits et dans l’obscurité de l’art, de ces grands cris qui sont entendus de toutes les nations, de ces puissantes lueurs qui éclairent tout un monde. Ces hommes-là, en général, sont, non-seulement des prophètes, mais encore des martyrs ; c’est à leurs propres douleurs qu’ils puisent les profondes inspirations qui frappent les esprits ; c’est au spectacle de leurs propres tortures qu’ils poussent les grandes lamentations qui saisissent le cœur. Supposez Prométhée et Napoléon poëtes, et faites-vous une idée des vers que chacun d’eux eût gravés sur son rocher !

Essayons de raconter ce qu’avait souffert cet homme, qui, chassé de son pays, comme un autre Barrabas, alla mourir pour les Grecs comme un autre Jésus.

Il lui fallut la mort pour arriver à la transfiguration.

XCV

Enfance de Byron. — Son désespoir d’être boiteux. — Marie Duff. — La sorcière du Malvern. — Comment Byron et Robert Peel firent connaissance. — Miss Parker. — Miss Chaworth. — Mistress Muster. — Lady Morgan. — Les Poëtes anglais et les Critiques écossais. — Lettres de Byron à sa mère. — Son entrée à la chambre des lords.

Byron était né, le 22 janvier 1788, d’une famille si antique et si illustre, qu’elle eût pu marcher sur le même rang que beaucoup de familles royales.