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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Missolonghi, 20 avril.

» Notre ville présente le spectacle le plus touchant ; nous sommes tous vêtus de deuil ; notre illustre bienfaiteur est mort, hier 19, à six heures du soir. »

Byron était mort, comme Raphaël, à trente-sept ans ; il était mort pendant les solennités de Pâques, et trente-sept coups de canon, nombre égal à celui de ses années, répétés de ville en ville, annoncèrent sa mort de la Thrace au Pirée, et de l’Épire aux côtes d’Asie.

Pendant trois jours, les cours de justice, les administrations et les magasins furent fermés ; pendant trois jours, les danses, les amusements publics et les sons des instruments furent interdits ; enfin, un deuil général dura vingt et un jours.

Pauvre Byron ! il ne désirait qu’une chose, combattre et remporter une victoire, ou, vaincu, mourir les armes à la main. Nommé général, il s’était fait une joie de conduire lui-même les Souliotes au siège de Lépante ; — Lépante, la terre de don Juan et de Charles-Quint, lui paraissait un beau nom à associer à son nom ; c’était une noble terre pour s’y coucher mourant et ensanglanté.

Il n’eut pas cette joie, et mourut à Missolonghi. Ce fut lui qui illustra une terre inconnue, au lieu de recevoir son lustre d’une terre célèbre ; on ne dit pas : « Byron mourut à Missolonghi, » on dit : « Missolonghi, où mourut Byron. »

Il ne se doutait pas, le grand homme, en mourant pour les Grecs, qu’il mourait pour que l’Europe, comme me le disait un jour le duc d’Orléans, eût le plaisir de voir manger de la choucroute au pied du Parthénon !

Pauvre poëte immortel, qui mourait avec l’espérance que la nouvelle de sa mort allait retentir dans tous les cœurs, qu’eusses-tu dit, si, lorsque, désespéré, le journal funèbre à la main, j’entrai dans un de nos bureaux en criant : « Byron est mort ! » qu’eusses-tu dit, si tu eusses pu entendre un de nos sous-chefs de bureau demander :